N’avoir affaire avec plus grand que soy
Avec ung grand ne t’associe,
De le hanter ne te soucie :
Sy tu veulx croire bon conseil,
Ne te mectz qu’avec ton pareil.
Le fort Lyon, prince des aultres bestes,
Par les forestz alloit faire ses questes;
La lourde Vache et la Brebis estoient
Avecques luy, et ensemble questoient.
Lors ont trouvé ung Cerf grand et cornu,
Et de si prés l’ont chassé et tenu
Qu’ilz l’ont occis. Quand ce vint à partir
La venaison : « Je vous veulx advertir
(Dit le Lyon) qu’à moy qui suis seigneur,
La part première (à cause de l’honneur)
Doit estre à moy ; et la seconde, pource
Que plus que vous j’ay faict treslongue course ;
La tierce aussi, parce qu’en mon effort
Par dessus vous je suis beaucoup plus fort,
Qui pour la quarte aprés s’esforcera
Incontinent mon ennemy sera.
Tout est à moy, que chascun se pourchasse
Sans riens pretendre à la presente chasse. »
Par telz moyens et alegations,
Les puissans font maintes exactions
Sur les petis, et par dol et malice
Leur ostent tout contre droict et justice.
Rare est la foy, voire des plus puissantz,
Vers les petis qui sont obeissantz.
Si tu vis donc avec plus grand que toy,
Cest ung grand bien s’il te garde sa foy.
Titre original : Du Lyon, de la Brebis et aultres Bestes