Plusieurs Requins, ce nom fait frémir l'Océan,
Prirent jour pour dîner ensemble.
Il faut, se disaient-ils, qu'au moins douze fois l'an,
En un repas de corps le plaisir nous rassemble.
Pour son écot, chacun grand appétit :
Nous ne ferons pas maigre chère.
Ce peuple de poissons que l'Océan nourrit,
Tout ce fretin, c'est pour nous qu'on le fit.
Qu'il s'échappe, s'il peut, ce fera son affaire.
Entre la Sole et le Rouget,
(C'est comme un homme qui dirait :
Entre la poire et le fromage.)
Nous rirons de tout ce ravage.
Les poissons du plus haut parage
Doivent ainsi terminer un banquet.
Seigneur Requin a la parole fière,
Et le ton haut.
Une Anguille alerte et légère
Entendit tour ; et redit aussitôt
Le funeste complot
A tous les habitants de l'onde
Qu'elle put rencontrer en dépêchant sa ronde.
Le jour choisi pour le repas,
Les Requins en foule arrivèrent ;
Mais à jeun ils s'en retournèrent
Le fretin ne s'y trouva pas.

Bien mal peut-être je m'exprime,
Et j'aurais voulu prouver mieux,
Que des plaisirs des Grands le peuple est la victime,
Et que, sans lui, point de plaisir pour eux.

Livre III, fable 17




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