Un homme veuf en son ménage
S'ennuya d'être seul, et crut être tort sage
En épousant dame Alison, Veuve à son tour.
Mais, las ! le pauvre diable,
D'un nouveau meuble en parant sa maison.
Ne rendit pas sa maison plus aimable.
Notre épousée avait fort peu d'appas ;
Mais en revanche, elle avait, la commère.
Beaucoup d'humeur, et n'était pas
Un moment sans gronder. Le refrain ordinaire
De sa chanson était : « Hélas !
Je le regrette encor ; c'était bien mon affaire,
Cet autre-là! parlant de son premier mari.
— Cette autre-là, je la regrette aussi,
Ripostait l'époux à la dame ! »
Il entendait parler de sa première femme.
Bref, chacun d'eux,
A qui mieux mieux,
Pour faire pièce à l'autre, exaltait la mémoire
De ses plaisirs passés, comptait la longue histoire
De ses jeunes amours. Le tout était conté
Avec emphase. Un jour d'été,
Comme ils étaient tous deux auprès d'une fenêtre,
Vis-à-vis d'un poulet bien troussé, gras à lard
(C'était tout leur souper), un pauvre par hasard
Vint à passer. Dès qu'il le vit paraître.
Le mari qui boudait, beaucoup moins par pitié
Que dépit, du poulet lui jeta la moitié,
En lui disant : « Pour ma défunte femme,
Tiens ! va prier le bon Dieu, mon ami.
— Voilà l'autre moitié, dit aussitôt la dame:
Va le prier encor pour mon défunt mari. »
Et tous les deux, comptant bien s'attraper,
Furent contraints d'aller se coucher sans souper.
Plutôt que de céder, si vous aimez mieux faire
Une sottise, écoutez bien.
Lecteur, voici le vrai moyen :
Prenez conseil de la colère.