« Dieu ! que ces gens sont sots et que leur bruit m'ennuie !
Disait certaine pierre, au bord d'un pré gisant,
Tandis que dans les champs à flots tombait la pluie.
Que voient-ils là de si plaisant ?
Quels transports, voyez donc ! Avec plus vive joie
Reçoit-on l'hôte aimé que le ciel vous envoie ?
Cette eau qui coule, est-ce pour eux
Une si merveilleuse aubaine ?
Beau mérite ! elle a dans la plaine
Daigné tomber une heure ou deux !
Qu'on s'informe de moi ! Toujours sage et modeste,
Que de siècles ici j'ai déjà vus passer !
Et, sans faire aucun bruit, je reste
Où la main d'un manant m'a bien voulu lancer.
Mais qui m'a dit : Merci ? » Personne !
Ah ! ce monde si détesté,
A coup sûr, a bien mérité
Tous les vilains noms qu'on lui donne !
Où voit-on ici-bas son équité ? — Tais-toi !
Lui dit un vermisseau ; dans sa courte durée,
La pluip a fait du temps un salutaire emploi.
Ses abondantes eaux, arrosant la contrée,
Ont ranimé les champs par le soleil brûlés ;
Rendus au doux espoir d'une moisson fertile,
Kos laboureurs par elle ont été consolés ;
Mais les longs jours qu'aux champs ta paresse a coulés
N'ont été qu'un temps inutile. »
Maint employé, tout fier, dit : « J'ai servi trente ans ! »
De rubans et de croix notre sot veut qu'on l'orne ;
Son mérite est d'être longtemps
Resté planté comme une borne.