Le chien, le faucon, et le chat font, un jour,
Un traité d'étroite alliance.
On s'aimera sans défiance,
A cœur ouvert , sans nul détour ;
Commun logis, table commune
Devront partout les réunir ;
Résignés à même fortune.
Ils partageront tout, danger, peine el plaisir.
Où l'un va, l'autre doit le suivre ;
Pour les amis on veut mourir.
Mais surtout pour eux on veut vivre !
Assez loin de chez eux, dans un pays nouveau
Pour sceller le traité, nos amis vont en chasse;
Puis, las d'avoir suivi le gibier à la trace,
Ils s'arrêtent enfin aux bords d'un frais ruisseau.
Chacun d'eux, pour dormir, s'étend sur l'herbe verte;
Mais tout à coup, dans la foret.
L'œil enflammé, la gueule ouverte.
Un ours, un ours terrible à leurs yeux apparaît !
Sitôt qu'à leur frayeur le danger se révèle,
Tous nos braves sont aux abois :
Le faucon dans les airs s'envole à tire-d'aile,
Le chat sous les buissons court se cacher au bois ;
Serré de près par l'ours qui cherchait à l'étreindre,
Pour sa vie un moment l'homme avait fort à craindre;
Mais entre eux aussitôt le chien s'est élancé.
Des pattes et des dents luttant avec courage,
Il se débat sous l'ours qui le tient enlacé.
L'ours, blessé, hurle en vain de douleur et de rage;
Le chien, enfin vainqueur, jusqu'au sang l'a mordu.
Et le monstre expirant sous lui reste étendu.
Et cependant que faisait l'homme?
(Triste aveu, mais ne taisons rien !)
Pour la fidélité l'espèce humaine, en somme,
Ne vaut pas ce que vaut un chien.
Pendant que son sauveur vaillamment se démène.
L'homme, à la fois perdant et courage et raison,
Le fusil sur le dos, court, à travers la plaine.
Cacher sa peur à la maison !
S'obliger en parole est chose assez facile,
Mais on peut , au moindre besoin,
Voir combien des amis la promesse est fragile.
Pour en trouver de tels, faut-il aller bien loin ?
Près de moi j'en vois, porte à porte,
Plus d'un qui, sans trop s'engager,
Laissant le chien courir danger,
Comme notre homme se comporte.
Puis, quand tout péril est passé,
Maître et chien sont souvent aux prises,
Et, loin d'être récompensé.
Que reçoit le chien ? — Des sottises !