Les Voeux des Nations

J. F. Roucher (19è)


Les vents sifflent ; l'éclair brille ; les éléments
Se font une effroyable guerre,
Et les longs éclats du tonnerre
Font trembler l'univers jusqu'en ses fondements.
L'obscurité la plus profonde
Et n'offre
D'un pôle à l'autre se répand ;
La mer s'irrite, s'enfle, gronde,
que la mort au matelot tremblant ;
L'homme effrayé craint la chute du monde :
Tout va, dit- il, rentrer dans le néant.

Chacun au ciel adresse sa prière,
Croyant toucher à son heure dernière.
Mais bientôt l'astre radieux
Reparaît, plus brillant, au haut de sa carrière ;
Le vent s'apaise, et la terre et les cieux
Sont inondés de torrents de lumière.
Les Zéphirs parcourent les airs,
En secouant leur aile encore humide,
Et l'oiseau d'une voix timide
Va recommencer ses concerts.
Quand tout-à-coup, ô surprise ! ô prodige !
Dans les plaines du ciel mollement promené,
Un mortel, un héros, que dis-je !
Une déesse.... un dieu de pourpre environné,
Apparaît au monde étonné.
Tous les peuples l'ont vu ; chacun regarde, admire ;
L'un dit, c'est le dieu Mars, et l'implore et soupire ;
(De ce peuple déjà vous devinez le nom ;)
L'autre dit, c'est Pallas, et veut que la déesse
Pour tout présent lui donne la sagesse ;
Est-ce l'Espagnol ? non est-ce l'Anglais ? oh ! non ;
Est-ce l'habitant de la Grèce ?
Hélas ! dans ce pays il n'est plus de Solon,
Plus de Socrate ; et la moderne Athènes
Ressemble mal à celle où vivaient Démosthènes,
Aristophane et Sophocle et Conon.
Je ne parlerai pas de Rome ;
En vain j'y chercherais un homme
Ferme comme Brutus, sage comme Caton.
Irai-je au fond de la Russie ?
Me transporterai-je en Asie ?
Visiterai-je dans ces vers
Tous les recoins de l'Univers,
Pour savoir quel peuple s'empresse
A demander ce don à la déesse ?
Non mes efforts pourraient prouver
Que ce peuple n'est pas si facile à trouver ;
C'est un soin qu'au lecteur je laisse.
Un autre a vu Junon, et lui tient ce discours :
Venez, déesse bienfaitrice,
Soyez toujours la protectrice
D'un peuple à vos autels prosterné tous les jours ;
Que serions-nous sans votre heureux secours !
L'habitant seul de l'Italie,
A cru voir dans ses traits la reine d'Idalie :
Belle Vénus, dit-il, chère divinité,
Vous sans qui l'univers serait désenchanté,
Venez chez nous, venez ; un peuple entier supplie,
Ne sera-t-il point écouté ?
C'est l'ami de la volupté.
Combien de nations encore,
Lui font les vœux les plus ardents !
Chacune l'invoque et l'implore,
Selon ses intérêts ou ses ressentiments.
Cependant le dieu, la déesse,
(On va savoir lequel des deux,
Car il est tems qu'on la connaisse,)
Descend du séjour lumineux.
Tous les regards sont attachés sur elle ;
Tous les cœurs sont remplis et de crainte et d'espoir ;
Nous la verrons, nous l'allons voir ;
C'est un dieu, c'est une immortelle ;
Ön en doute : on en est certain ;
On voit un char, une nacelle,
Un trône, un attribut divin ;
C'est Jupiter, oui, c'est lui-même....
Ce n'est pas lui : c'est... ô surprise extrême !
C'est.... il faut bien le dire enfin,
Mademoiselle Garnerin.

Que les peuples sont imbéciles !
Comme un rien les conduit de la crainte à l'espoir !
Comme il est plaisant de les voir
Passer d'un objet grave à des objets futiles !
Voyez-les d'un congrès attendant leur destin :
Tous pensent de leurs maux voir arriver la fin ;
Hélas ! par un moyen contraire.
L'un veut la paix, l'autre la guerre,
Et tous changent d'avis du soir au lendemain.
Eh ! malheureux, soyez fermes sans cesse
Dans des vœux désintéressés !
Éloignez-en la haine vengeresse ;
Demandez aux dieux la sagesse,
Vos souhaits seront exaucés.





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