Le Coucou parvenu Jacques Cazotte (1719 - 1792)

Un Coucou fit un jour fortune :
J'entends fortune de Coucou,
D'un amas de grains dans un trou,
Pour deux saisons, ou tout au moins pour une,
A vivre plus que largement.
Notre animal invita la contrée
À la curée ;
Tout y courut dans le moment.
Le moineau, le héron, la hupe,
Les geais, les merles, les faisans.
Oh ! qu'on trouve de complaisants,
Quand on se fait gruger en dupe !
Eh ! bonjour, notre Amphitryon !
Voilà des apprêts d'importances
On saisit à l'occasion
De faire honneur à la dépense.
Puis on s'attable sans façon,
Le repas est trouvé très bon ;
Chacun, en le croquant, lui donne son suffrage.
L'oiseau content les envisage :
Le sot, en son cerveau borné,
S'estime un grand du haut parage,
De commensaux environné ;
Il s'enfle, il crève, il perd la tête,
Et se mettant en belle humeur,
Il veut, pour égayer la fête,
Chanter un air qu'il sait par coeur ;
Coucou ! Coucou! fit le chanteur.
Coucou! Coucou ! reprit la pie,
Que cette musique est jolie I
Je crois qu'elle vient d'Italie,
Vous nous en donnerez copie ?
Eh d'où vous vient cet air charmant ?...
Cela me vint en dormant....
Les paroles, la musique?
Ma foi le rêve estuniq-ue.
Eh bien, messieurs! l'eût-on pensé?
On le voyoit, le mois passé,
Sans devenir son aventure:
A son air lugubre, cassé,
On l'eût pris pour oiseau de fort mauvais augure.
La fortune, aujourd'hui, couronne ses travaux,
Et !e voilà le phénix des oiseaux.
Quand on a d'un certain mérite,
Les talents vous viennent bien vite.

Fable 42




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