Je ne sais à quel conquérant,
Soit de l’Europe ou de l’Asie ;
Il vint un jour en fantaisie
D’avair à sa cour un Savant.
Ce savant était un vrai Sage,
Un grave et rare personnage.
Dès qu’on voit qu’en faveur de cet astre naissant,
Frais émoulu des leçons du Portique,
Le goût du prince ouvertement s’explique ;
Sur les tons les plus caressans,
L’adroite et basse politique
Vient lui prodiguer son encens.
On n’en épargna pas la dose ;
Il s’en répandroit moins pour une apothéose.
Cela réussit mal : tout lui sembla rampant,
Imbécile, faux on méchant,
Sans connoissance ou sans mérite.
Le roi le sait, sa Cour en est instruite.
On change de masque au plus vite.
Nous flattons le pédant, et nous lui déplaisons.
Puisqu’il veut de grands airs, nous l’en régalerons ;
C’est sur ce nouveau plan qu’on règle sa conduite.
Il vit des importans de toutes les façons :
Il n’eût tenu qu’au Philosophe,
S’il eût donné dans les airs fanfarons,
De les juger tous de l’étoffe
Des Camilles, des Scipions.
Le nouveau jeu des histrions,
Lève à ses yeux toute équivoque :
Il connoît son théâtre à fond.
Ces gens, dit-il, n’ont que la coque,
Et ne font rien de ce qu’ils contrefont ;
Alors le roi finit la comédie.
Messieurs, dit-il, la trame est mal ourdie ;
Vous chargez trop, vous n’en imposez pas.
On voit à nu le personnage ;
Je suis, pour vous, fâché du cas ;
Mais les gens hauts et les gens bas
Sont de niveau pour l’œil du Sage.