Un puits d'une grande importance,
Par son utilité, par sa belle ordonnance,
Placé tout au milieu des sables africains,
Se voyait révéré de tous les Marocains.
Un dôme supporté par un cône solide,
Et couronné par une pyramide,
Repoussant du midi la brûlante chaleur,
Y conservait en tout temps la fraîcheur.
La Naïade, à l'envi, par des roules cachées
Venait renouveler ses ondes desséchées,
Que ne ménageaient pas, aux troupeaux altérés,
Les pâtres du canton sur son bord attirés.
Tout voyageur lui rendait son hommage.
De l'abri de son dôme frais,
Devenant un peu moins sauvage,
La rediseuse Echo s'était fait un palais ;
Au moindre bruit, cette sempiternelle
S'éveillait ; et du fond de l'antre harmonieux
Poussait des sons nourris que portaient jusqu'aux cieux
Ses sœurs babillardes comme elle;
Car, ayant formé les échos d'alentour,
Elle en avait formé sa cour.
Mais ou nous conduit l'étalage
De ce puits? Il conduit... je m'en vais vous dire où :
Un enfant y jette un Caillou,
Ramassé dans le voisinage,
De ceux qu'on foule aux pieds, qu'on appelle moelon,
Que l'on peut employer, pour une occasion,
Avec l'aide de la truelle,
Qu'on se jette à la tête au fort d'une querelle :
Le Caillou frappant sur le bord,
Dont il éprouve le ressort,
Tombe, et va se plonger au beau milieu de l'onde ;
Imaginez le bruit qui se fait à la ronde ;
Cédant au poids du nouvel habitant,
L'eau, pour lui faire place, en anneaux s'écartant,
S'émeut, frémit, jaillit, et comme toute en transe,
Va gagner la circonférence :
La jaseuse d'en haut et celles d'alentour
Répètent ce fracas, niais à vous rendre sourd :
Tandis qu'entraîné par sa masse,
Le Caillou, bravement, va se mettre à sa place.
Au beau milieu, dès qu'il est arrive,
Il se voit sur un sable uni, même élevé,
Et calcule son aventure....
Tout le bruit qui s'est fait semble de bon augure,
Et, parmi certains sons plaintifs et douloureux,
On en distinguait des joyeux.
Succès d'autrui nous paraît une injure ;
On ne triomphe pas qu'on n'ait des envieux j
Tout se montre d'ailleurs sous un aspect heureux.
On a vu le respect écarter du passage.
Note de l'auteur :
Un Raune est une espèce de grenouille allongée, petite ; c'est celle qui grimpe
sur les arbustes. Quand les temps veulent changer, on est surpris, dans
une forêt dont le terrain est humide, d'entendre en l'air le croassement
des grenouilles : celle-ci ne peut se manger.