L'Âne et la Taupe Jacques Peras (18è)

Un Âne... joli bas- relief
Pour décorer un Frontispice !
S'écrira quelqu'un par malice ;
Mais tel glose et porte un beau chef,
Qui n'en est pas beaucoup plus sage.

Dans un fertile pâturage,
Après s'être amplement repu
Un Ane était de son long étendu,
Et ne mouvait ni pied ni patte,
Satisfait dans son doux loisir.
Il s'épanouissait la rate.
Une Taupe voulant sortir
De sa demeure ordinaire,
Perce justement la Terre
A l'endroit où notre Bauder
Appliquait une large oreille ;
Il en sentit bientôt l'effet,
La peu de chose nous réveille :
Il se lève tout furieux,
Apercevant son Adversaire
Il l'accable à l'instant de mots injurieux.
La Taupe répondit : calmez votre colère,
Vous savez que je n'ai point d'yeux,
Ainsi dans pareil cas je puis bien me méprendre.
L'Ane lui dit, encor, poursuis ;
Si tu ne vois pas qui je fuis,
Vil Animal, il faut l'apprendre.
La Taupe répliqua cessez de m'en vouloir,
Dorénavant je ferai mon devoir ;
Mes oreilles, Seigneur, sont de surs Interprètes,
Et pour savoir qui vous êtes,
Je n'ai pas besoin de vous voir.

Livre I, fable 22




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