Le franc Moineau Jacques Peras (18è)

Un Franc-Moineau dans une cage.
Vivoit heureux à la liberté près ;
Et sans cefse dans son langage,
Il manifestoit ses regrets :
Comme il appartenait à gentille Maitresse,
D'un cœur des plus compatisfans
Elle devint fenfible à sa tristesse
Et lui donna la clef des champs.
Le Sexe à tous égards se pique de tendresse.
Maître Pierrot bien guay d'avoir sa liberté,
Sans dire adieu, s'envole à tire d'aile..
Chemin faifant il vit une Javelle.
Ah ? bon, dit de Grivois, je vais en sûreté
Faire là ma première pause,
Et contenter mon apétit.
Mais de tout ce qu'on le propose Ici bas, bien peu réuffit.
Notre gaillard defcend et se dispose
A remplir fön jabot de grain.
Par deux ou trois ki, ki, manifestant sa joye.
Il réveille certain Mâtin
Qui sur le champ se léve, aboye
Et le fait décamper plutôt qu'il ne pensoit.
Ah ! dit- il, peste de la bête.
Allons voyons plus loin. Plus loin il aperçoit
De la graire par terre, alors il se fait fète
De s'en donner pour tout le jour ;
Et ne voyant personne autour
Il defcend d'une aîle rapide,
S'avance, et son gofier avide
Sans dire mot se contentoit déja ;
Mais dès la première becquée,
D'une pierre bien appliquée
Qu'un marmot d'Enfant lui lança
Il eut une aîle fracaffée.
Helas ! s'écria-t - il, qu'ai- je fait, malheureux !
Cette prison tant méprifée,
Qui ne m'offroit rien que d'affreux,
Est à préfent bien chere à ma pensée.

En tel état qu'on soit on nourrit un défaut
Qui prouve assez notre foiblefse :
On ne se borne point, on désire sans cesse ;
Mais sans fçavoir ce qu'il nous faut.

Livre III, fable 3




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