Le Traitant et le Paysan Jacques Peras (18è)

Un pauvre Habitant de Village,
Avait affaire en la Cité
Chez un Traitant de haut parage :
Dire pourquoi, c'est inutilité.
Il arrive. Il frappe. On l'annonce ;
Et deux heures après on lui dit pour réponse,
Qu'on ne peut encor voir Monsieur.
Le Villageois enrageait de bon cœur ; :
Mais il faut dans tel cas s'armer de patience,
Et c'est, je crois, le parti le plus court.
À la fin pourtant il fut jour.
Par un Jasmin rempli de suffisance
Quoique de nulle conséquence,
Notre Manant fut introduit.
Avant de quitter l'Audience
Il reprit la parole, et dit :
« Pardon, Monsieur, m'est avis vous connaître,
Vous êtes de notre Pays.
Le Traitant répondit, cela peut fort bien être.
Si je ne me fuis pas mépris,
Maître Thibaut est votre père,
Continua le Villageois ;
Je fuis un tel, et votre mère
Était ma tante, ainsi suivant les Lois...
Suivant les Lois, tu dois te taire
Dit le Traitant, fors d'ici ;
Oser m'apostropher ainsi !
Faquin, redoute ma colère,
Je n'eus jamais de tels parents.

A ces mots le Manant, sans desserrer les dents,
S'en fut ; mais disait en lui-même,
Hélas ! sa folie est extrême !
C'est lui, je ne me trompe pas.

Fortune, je fais peu de cas
De tes faveurs, si quelquefois je chomme,
Je sais bien qui je fuis, et comment je me nomme.