Jeune linotte avait perdu sa mère ;
Moineau voisin, dont elle était commère,
Et qui de plus était son créancier,
Non pour argent, oiseau n’est financier,
Mais pour des grains, ou pareille chosette
Qu’avait prêtée en diverse disette :
Le moineau, dis-je, instruit du triste cas,
Voulut, avant faire bruyant fracas,
Et d’en venir à nulle plaidoirie,
Etre informé de l’état de l’hoirie.
Pour cet effet, sous prétexte poli
De compliment en tel cas établi,
Il députa son fils vers l’orpheline ;
Lui prescrivit tout ce qu’il lui dirait,
Pour être instruit du bien qui resterait
Dans la maison, et n’être point crédule:
Puis lui remit en patte la cédule
Qui contenait et nombre et qualités,
Dates aussi, dans un ordre fidèle,
Des fruits, des grains à la mère prêtés,
Avec reçu, signé, paraphé d’elle.
Le fils instruit, part, et d’un vol léger
S’en va cherchant le réduit bocager
Qui renfermait l’orpheline linotte.
Qui n’aurait cru que pendant won chemin
Chose n’eût fait que prendre exacte note
Des faits portés au bil qu’avait en main ?.
Mais depuis peu la linotte avait vue,
Qui lui parut de tant d’attraits pourvue,
Que du moment que son père lui dit
D’aller la voir, rien de plus n’entendit.
Il la trouva languissante, éplorée.
Amour, de tout fait se faire des traits ;
Larmes, langueurs, face décolorée,
Pour un amant sont de nouveaux attraits.
Notre moineau, près de cette maîtresse,
Fut si touché de sa tendre détresse,
Que la pitié lui fit tout oublier.
Il la calma par détour, par adresse,
Puis en avant mit propos de tendresse,
Puis tout son cœur ose lui déplier.
Désirs, transports, ardeur, vive poursuite,
Pleurs, désespoir s’étalèrent ensuite ;
Mais de la dette un seul mot ne fut dit.
Si que la nuit ses voiles épandit,
Et qu’il fallut ; après la douzième heure,
Sans rien ourdir, quitter cette demeure:
Ce n’est le tout, la cédule il perdit.
D’amant distrait ne comptez sur l’adresse ;
Votre intérêt toujours éconduira ;
Confiez-lui seulement sa maîtresse,
Souvent encor mal il la conduira.