L'Abeille et l'Araignée Jean-Auguste Boyer-Nioche (19è siècle)

Une abeille avait fait un assez long voyage ;
Elle apportait des fleurs le tribut précieux :
Dans les rets d'Arachné la pauvrette s'engage.
A l'instant l'insecte odieux
La voit, accourt, et, plein de son horrible joie,
S'en va pour dévorer sa proie.
Mais voilà que soudain, affrontant son malheur,
L'abeille le repousse, et dans cette journée
Lui prouve bien ce que peut la valeur.
Dame Arachné, fort étonnée,
Au même instant change d'humeur ;
Puis elle dit à sa captive :
Je te sais courageuse, industrieuse, active ;
Et je jure sur mon honneur
De te donner la liberté, la vie
Si tu veux faire le serment
De me livrer, au gré de mon envie,
Dix de tes sœurs : accepte, ou meurs en ce moment.
Sans répondre un seul mot, l'insecte ailé s'élance
Avec intrépidité.
Avec rage et cruauté
Arachné vient aussi : le combat recommence.
L'une met en jeu tout son art :
Ou plie ou tend ses bras pour saisir sa victime ;
L'autre à coups redoublés va frappant de son dard,
Qu'un juste courroux envenime.
En ce moment, ô coup heureux du sort !
Plusieurs abeilles en campagne
Passent par là, délivrent leur compagne,
Et frappent du coup de la mort
Cette Arachné si criminelle.
À la république fidèle,
Notre abeille fait à ses sœurs
Le récit de son aventure ;
Elle achève en ces mots : Voici de mes malheurs
La principale conjoncture :
Pour racheter mes jours, il fallait vous trahir ;
Eh bien, pour vous j'allais mourir !

Livre II, fable 11




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