L'Araignée et l'Abeille Étienne Azéma (1776 - 1851)

L'Araignée, orgueilleuse et fière
Des ouvrages qu'elle faisait,
Tout en filant sa toile, à l'Abeille disait :
« Dieu nous fit chacune ouvrière.
Vous travaillez en miel ; moi, je suis filandière.
Mais je tire tout de mon fond,
Et vous allez à l'aventure.
Pillant les fleurs outre mesure
Pour composer votre rayon.
— Vous avez sans doute raison,
Dit l'Abeille à son tour. Votre tissu fragile
Est bien à vous ; et, j'en conviens,
J'emprunte aux fleurs mon miel, mais mon œuvre est utile
Et la vôtre n'est bonne à rien.

Créer ne suffit pas. Une œuvre dédaignée,
Et qui n'est bonne à rien, quel qu'en soit l'inventeur,
N'est qu'une toile d'araignée.
Beau mérite, vraiment, qu'a l'insipide auteur
D'une création pareille !
L'emprunt vaut cent fois mieux encor.
Du fumier d'Ennius Virgile tirait l'or.
La Fontaine empruntait comme emprunte l'Abeille,
Qui, dans son franc et libre essor,
Va recueillir le miel des plantes,
Et de mille fleurs différentes
Se compose un riche trésor.

Livre IV, Fable 6




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