La Philosophie en voyage,
Fuyant le chaume du village,
Des palais fuyant les lambris,
Arrive au cinquième étage
De certain logis de Paris,
Précisément où la Science
Et la Pauvreté,
De société,
Avaient fixé leur résidence.
Pan, pan ; venez m'ouvrir ; veuillez me recevoir.
Mais qui ? C'est moi. Qui, vous ? Votre meilleure amie.
Avant tout, votre nom ? c'est la Philosophie.
Bon ! nous ouvrons...entrez...Quel plaisir de vous voir !
Venez nous consoler : la gloire et la fortune
D'ici semblent vouloir ne jamais s'approcher.
La déesse est aveugle ; en vain on l'importune,
Dit la Philosophie, elle va se nicher
Chez l'Ignorance et la Sottise :
Souvent même elle favorise
Le crime en ses plus noirs projets ;
Chez la Vertu, chez la Science,
On ne la voit presque jamais.
Consolez-vous de son absence.
On peut par son génie, on peut par ses hauts faits
Mériter une place au temple de mémoire.
Mais de Caton, d'Homère, ignorez-vous l'histoire ?
Soumis toute leur vie à la haine du sort,
Homère meurt de faim, l'autre court à la mort
Avant d'avoir goûté les doux fruits de la gloire.
Sur la mer de la vie en vain je cherche un port.
Je résolus jadis d'habiter le village ;
Mais de l'homme des champs l'ignorance, l'erreur,
Les préjugés grossiers sont encor le partage ;
Ils voulaient m'attaquer : je n'étais pas d'humeur
A soutenir l'assaut. J'ai fait un autre thème,
Et me suis, sans tarder, présentée à la cour ;
Mais une basse intrigue, une arrogance extrême,
Les vices, ternissant l'éclat du diadème,
Des flatteurs et des rois m'ont fait fuir le séjour.
Je viens vivre avec vous. Ainsi puisque ce jour,
Mes soeurs, en ce lieu nous rassemble,
De nous quitter nous aurions tort ;
Nous résisterons mieux ensemble
Aux coups de la fortune, aux caprices du sort.