Certain Lion, non pas celui de Rome,
Ce lion reconnaissant ;
Mais bien Griffard-le-Grand, s'il faut qu'on vous le nomme,
Était un roi tout-puissant.
Au plaisir de la chasse un jour qu'il s'abandonne,
Qu'il parcourt à son gré les vallons et les bois,
Un caillou blesse au pied son auguste personne ;
(Un rien souvent met un prince aux abois.)
Sur un brancard il faut porter le sire ;
On arrive ; il est mis sur son lit de repos ;
On s'empresse, on le soigne, on le panse à propos ;
A le voir, on dirait qu'il souffre le martyre.
Cependant il guérit ; mais il est tout honteux
De boiter quelque peu. Pour montrer sa puissance,
Il se rend au sénat, et, par une ordonnance,
Décide qu'à sa cour chacun sera boiteux.
Arrivé depuis peu, d'une allure pareille
Un singe était surpris ; on lui dit à l'oreille :
La chose aisément se conçoit ;
Quand le monarque boite, on ne peut marcher droit.

Livre II, fable 16




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