Le villageois, poursuivant ses travaux,
Faisait tomber sous le fer de sa faux
L'herbe fleurie
De la prairie.
Zéphyr gémit,
L'abeille fuit,
La sauterelle,
Jouant de l'aile
Et du jarret,
Part comme un trait.
Que dira Flore ?
Le papillon,
Son postillon,
Vient et déplore
De ses sujets
La destinée ;
Mais, vains regrets !
L'heure est sonnée ;
Et, dans son cours,
Fuyant toujours,
Le Temps qui passe,
Vieux et jaloux,
Laisse la trace
De son courroux.
Mais oublions et Flore et son empire ;
Le papillon, l'abeille et le zéphyre ;
Ne parlons plus des injures du temps,
Et revenons à notre sauterelle ;
Nous lui devons encor quelques instants.
Or donc, amis, la dame ou demoiselle...
(Pourquoi, dit-on, ne pas fixer ce point ?)
Eh bien ! voilà la dame au vert pourpoint,
Par sauts, par bonds, faisant gaîment voyage,
Qui d'un ruisseau gagne enfin le rivage.
Sans mesurer la largeur du courant,
À le franchir l'insecte ailé s'apprête ;
Certain grillon lui dit : Ma sœur, arrête :
Tu veux sauter ? bien ! mais auparavant...
A peine a-t-il fini cette parole,
Qu'au sein de l'eau s'en va choir notre folle.
Quoi qu'il en soit, à force de nager,
Et grâce encore au grillon débonnaire,
Qui voulut bien la secourir en frère,
La sauterelle échappa du danger.

Lorsqu'en tyran l'amour-propre nous guide,
Minerve en vain nous prête son égide.

Livre II, fable 25




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