Prenez garde, disait une Carpe, une mère,
Pour que l’eau se retire il ne faut qu’un instant :
Suivez, suivez toujours le fond de la rivière ;
Ne vous éloignez point, de peur de l’accident.
Bah… font les Carpillons, hors du lit de la Seine,
Nageons, aucun danger, ça, j’en fais le pari !
Mais qu’arriva-t-il donc, en ce nouveau domaine,
Pour les petits poissons ? Ils furent pris et frits !

« Écoute bien, enfant, dit la Poule à sa fille,
Le perfide Renard s’approche en nous flattant,
Nous dit qu’on est jolie, agréable et gentille.
C’est par des boniments qu’il nous trompe et nous prend ! »
De ces vœux maternels dédaignant l’importance,
La poulette naïve approcha du méchant,
Ignorant les conseils avisés de prudence,
Et termina sitôt croquée à belles dents.

Une Tortue avait besoin de se distraire
Et, lasse de son trou, voulait fuir son logis.
Deux Canards, paraît-il, peuvent la satisfaire :
« Nous vous transporterons par l'air dans le pays. »
Marché fait, les oiseaux forgent une machine
Dans la gueule en travers on lui passe un bâton.
Après quelques envols, la sotte pélerine
Tombe comme un caillou, crève sur son menton.

Il est plus d'une histoire, il est plus d'une fable
Qui vante la vertu du petit animal,
Celui qu'on peut nommer prudent et responsable,
Qui ne vit qu'à moitié et trouve ça normal.
Gare à l'impétueux, qui n'a pas lu Ésope,
Ni Phèdre, Florian, La Fontaine et suiveurs...
Qui, à la fin des jeux, à chaque fois écope
D'une lourde sentence et le regrette et meurt.

Janvier 2023


Strophe 1 : Inspiré de Florian, La carpe et les carpillons, 1793

Strophe 2 : Inspiré d’Eugénie et Laure Fiot, Fables nouvelles, La Poule et la Poulette, 1851

Strophe 3 : Inspiré de La Fontaine, La tortue et les deux canards


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