Les deux Paysans et le Nuage Jean-Baptiste Voinet (1976 - ?)

Denis, disait un jour à son ami Jeannot
D'un ton bien douloureux, funeste et lamentable :
« - Ne vois-tu pas venir là, dans le ciel, plus haut
Ce gros nuage noir ? C'est la marque effroyable

Du plus grand des malheurs. - Pourquoi ? Répond l’ami
- Pourquoi ? Regarde donc : Ce nuage est de grêle,
Vigne, avoine, froment, vergers, quelle infamie !
Il nous dévastera la récolte nouvelle.

Il ne restera rien, à peine quelques rats
Qui s’en viendront cerner notre village en ruine
Nous serons sans recours puis la peste viendra ;
Trois mois plus tard, alors, nous aurons la famine.

- La peste, la famine et tous ces châtiments,
Vraiment, est-ce là tout, Denis, mon cher compère ?
Si je dois à mon tour dire mon sentiment,
En regardant le ciel, je vois tout le contraire :

Car ce nuage-ci, pour moi, n’est pas méchant,
Il n’est point fait de grêle, il transporte la pluie ;
Il apportera l’eau, arrosera nos champs,
Il sera l’associé de notre économie.

Nous aurons davantage et de paille et de foin,
Moitié plus de froment, d’avoine en abondance,
Et nous ne connaitrons plus jamais le besoin
Car nous vivrons alors toujours dans l'opulence.

- Vous moquez-vous, Jeannot, osa l’ami Denis,
- Pas plus que vous, Denis, dit Jeannot, en colère,
- Ces propos insensés me laissent démuni…
- À s’alarmer ainsi, il n’y a pas matière. »

Ils allaient s’étriller, lorsqu'un souffle de vent
Emporta le nuage et voyez l’ironie :
Pour nos deux idiots, pour nos deux grands savants,
Point de grêle ni de pluie.

Juin 2022


Inspiré de Florian. Les prénoms ont été changés.

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