Un affreux vent du nord chassait au haut de l’air
Des nuages de teinte sombre ;
Sur un vaste pays ils projetaient leur ombre ;
Pour tout dire en un mot, le temps n’était pas clair.
On était sur le point d’avoir un grand orage ;
Et certain photographe, ennuyé de cela,
Dans son laboratoire, allait de ça de là,
S’écriant : « Pas moyen de faire un peu d’ouvrage !
Nuage, pourquoi donc caches-tu mon soleil?
Tu sais bien que sans lui je dois fermer boutique :
S’il voile son éclat, je n’ai plus de pratique,
Et l’on voit se moisir mon coûteux appareil !
Si j’avais en main la puissance,
Bien vite, l’on verrait l’horizon s’éclaircir,
Car je te chasserais de France,
Et, pour pouvoir enfin travailler à loisir,
Je te commanderais de ne plus revenir. »
Le nuage lui dit : « La terre est desséchée,
L’herbe qui meurt de soif vers la terre est penchée,
On peut déjà la voir jaunir ;
Bientôt, tu la verras se faner et mourir !
Le blé sera chétif, vous n’aurez point d’avoine ;
Les fruits de vers vont se remplir,
Si je pars sans vous rafraîchir.
Tu vivras l’an prochain comme un rigide moine. »
L’artiste s’écria : » Cache-moi le soleil,
Nuage, de tes eaux féconde donc la terre ;
A flots, verse sur nous l’onde qui désaltère.
Le travail que je fais avec mon appareil
Ne me tirerait pas de la sombre misère,
Si, toujours, du soleil scintillait la lumière.
Je comprends que si l’homme avait à diriger
A son gré la marche du monde, A force de tout corriger,
Il périrait de faim sur la machine ronde. »
Ce qu’on veut rejeter comme un joug ennuyeux
Se trouve bien souvent fait pour nous rendre heureux.