Le Paysan et son Seigneur Jean-François Guichard (1731 - 1811)

Vers son Seigneur, Guillot, tout plein de son dommage,
Accourt et lui tient ce langage :
Sur votre chien mon cochon s'est rué
Et l'a tué.
Or du haut justicier écoutez la sentence :
En dédommagement vingt écus donneras ;
Puis ton cochon me livreras
Pour qu'il soit mis à mort, et que cette vengeance
Serve s'exemple aux cochons destructeurs
Des respectables chiens de nous autres seigneurs.
- Mon Dieu ! Voyez donc le délire !
S'écria le manant. La langue m'a fourché :
C'est votre chien, j'ai voulu dire,
Qui m'a de mon cochon fait si mauvais marché.
À l'instant même encor, pour preuve, il le déchire.
Monseigneur dit : J'en suis fâché :
De cet incident il résulte
Qu'à mon chien ton cochon aura fait quelque insulte ;
Mais il me suffit de sa mort,
Le crime est expié : travaille ;
Veille à mieux élever tes cochons... Qu'on s'en aille.

Avec le meilleur droit, le faible a toujours tort.

Livre II, fable 20




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