Le Paysan et les Moineaux Léon-Pamphile Le May (1837 - 1918)

Dès le matin de la journée,
 Un paysan, la peau tannée
 Par le soleil
 Et le cœur en éveil,
 En invoquant la Providence,
 Semait, en abondance
 Et d’une adroite main,

Dans les sillons tiédis, le plus pur de son grain.
Des moineaux qui faisaient leur gentil babillage
 Ensemble ou tour à tour
 Dans le feuillage,
 D’alentour,
Le virent tout à coup et, d’une aile rapide,
 En bande intrépide
 Volèrent vers lui.

— Veux-tu, lui dirent-ils nous donner aujourd’hui
 La nourriture ?
 La vie est dure
Et rien ne pousse encor dans les champs déflorés.

 — Mangez, mes pauvres éplorés,
Répondit le semeur ; saccagez mon domaine ;
 Je ne voudrais faire de peine,
 Ni gros ni peu,
 Aux oiseaux du bon Dieu.

 Et les moineaux mangèrent,
 Puis gaîment voltigèrent
 De buissons en buissons
 En disant leurs chansons.

 Plus tard le grain, sorti du germe.
Comme une nappe d’or s’étendit sur la ferme,
 Et nul n’aurait pu deviner
Que les oiseaux là-même étaient venus glaner.
Mais, un jour de l’été, les insectes nuisibles
 Mordirent les tiges sensibles,
Et les riches épis, sur le point de mûrir,
 Allaient mourir,
 Quand les moineaux de la vallée,
 Prenant ensemble leur volée,
 Vinrent s’abattre sur les champs
 Et dévorer les insectes méchants.

Non, le bien que vous faites
 Ne sera point perdu ;
Mais ne laissez jamais vos âmes inquiètes
 Chercher comment il vous sera rendu.

Livre IV, fable 1




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