La Mouche et le Papillon Jean-François Guichard (1731 - 1811)

TIN vase plein de lait, d'un lait appétissant,
Lait à la crème égal, tenta certaine mouche
(Il m'aurait bien tenté) ; tout autour, en suçant,
La friande longtemps tourne, s'étend, se touche
Les ailes de plaisir ; puis plus bas se glissant,
Perd l'équilibre, tombe et nage.
Témoin de ce triste naufrage,
Un papillon, harangueur consommé,
Raisonne sur ce ton sauvage :
J'ai toujours, moi, fui ce qui m'a charmé,
Hors les fleurs ; la maxime est excellente à suivre.
J'ai vu des papillons, je les laissais voler,
Aux chandelles, comme eux, je n'allais me brûler.
Quoi qu'on en dise, il fait bon vivre.
Pour n'avoir pratiqué cela,
Ma mignonne, vous êtes
La mouche repartit ; J'en sortirai peut-être.
Les pates vont leur train ; en effet elle en sort,
Comme elle peut, se traîne, atteint le port,
S'essuie, et s'envolant bourdonne : « Adieu, beau maître :
Avis tardif ne fait qu'augmenter le malheur,
Et nous corrige moins que notre propre erreur. »

Livre II, fable 21




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