Les deux Bouquetières Jean-François Guichard (1731 - 1811)

Marguerite et Fanchon, toutes deux bouquetières,
Jasant sur diverses matières,
Sur un collier, peut-être aussi sur leurs amants,
De Flore allaient cueillir les trésors odorants.
Fanchon n'était qu'une étourdie ;
Sa compagne, moins jeune, était plus réfléchie.
L'espoir du gain leur fait hâter le pas,
Et d'arriver elles ne tardent pas.

Fanchon de rien ne s'embrasse ;
Elle reste à la même place ;
Indiscrètement, à la fois
Prend toutes les fleurs, qu'elle entasse
Pêle-mêle et sans choix,
Ne se doutant pas plus du goût que de la grâce.
À ses bouquets grossiers, confus,
Je prédis d'avance un refus.
Loin que Marguerite se presse,
Elle médite, observe, et montre son adresse.
Voyez-la bien soigneusement
S'attacher à l'assortiment,
S'armer de ses ciseaux, qu'elle a l'art de conduire
Sur ce qu'elle croit pouvoir nuire.
Est-il de plus jolis bouquets ?
Tous les yeux en sont satisfaits,
On les désire, on les achète.

Marguerite nous peint un habile poète
Qui, traitant des sujets que d'autres ont traités,
Les enrichit de nouvelles beautés ;
Et Fanchon, un sot plagiaire
Qui prend tout et n'en sait rien faire.

Livre IV, fable 25




Commentaires