L'If et les Pommiers du cimetière Pierre-René Le Monnier (1731 - 1796)

Tu l’as vu, mon ami Jombert,
L’if de Saint-Sauveur-le-Vicomte ;
Cet if majestueux dont la cime surmonte
Le portail de l’église et dans les cieux se perd.
Toi qui l’as mesuré, tu peux en rendre compte.
Tandis que tu le mesurais.
Avec un vieux pommier il causait ; j’écoutais.
Leurs discours valent bien qu’en vers je te les conte.
Rends hommage à ton souverain,
Devant lui courbe-toi, faible et malheureux nain,
Sais-tu que je suis roi de tout le cimetière?
Sais-tu que du soleil si tu vois la lumière
C’est un effet de ma bonté ?
Sais-tu que…”. Les pommiers ont aussi leur fierté.
Celui-ci se dressant comme un fat qu’on va peindre,
Dit au prétendu roi : dans mon coin écarté
Ton ombre ne saurait atteindre ,
Et porter la mortalité :
Ainsi de ta malignité
Je sais que je n’ai rien à craindre.
Mais toi, réponds; dis-moi :d’où te vient tant d’orgueil ?
Serait-ce de régner sur un vaste cercueil ?
De voir autour de toi le sol dépouillé d’herbe?
Serait-ce de porter des fruits bien venimeux ?
De donner un asyle aux hiboux odieux ?
Ce n’est pas là de quoi tant faire le superbe.
Autrement un guerrier cruel et destructeur
Qui s’en va ravageant le monde,
Vaudrait mieux qu’un bon laboureur
Qui travaille la terre et qui la rend féconde.

Fable 6




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