Le Cavalier et le Cheval Jean-François Haumont (17** - 18**)

Que j'aime le cheval, cet animal utile !
Que je le plains, quand je le vois
Bridé, sellé tout-à-la-fois,
Portant homme de cour, petit-maître futile,
Ou le vigoureux postillon,
Armé d'un acier au talon,
Dont il perce les flancs de cet être paisible,
Comme s'il était insensible !
Un jour certain cheval,
Rendu de lassitude,
Par un maître brutal,
Dont la triste habitude ;
L'œil menaçant, l'air en courroux,
Était de le rouer de coups ;
Lui dit : calmez votre colère :
De mon travail, voilà donc le salaire ?
Hélas ! je ne peux rien de mieux :
Pourquoi me frappez-vous ?
Que je suis malheureux !
Pour prix de mes soins, de ma peine,
Je suis comme un forçat, que l'on mène à la chaîne.
Le maître lui répond : tu raisonnes, je crois ?
Le destin a voulu te ranger sous mes lois ;
Suis-je pas homme ? apprends à me connaître :
En esclave soumis, obéis à ton maître.
—C'est l'arrêt du destin ? D'accord, je me soumets :
Je ne dis plus qu'un mot, après quoi je me tais,
Pythagore autrefois crut la métempsycose ;
Il enseigna par-tout cette métamorphose :
Vous savez qu'il faudra mourir ;
Mais si dans un autre avenir,
Vous devenez coursier, craignez-vous pas qu'un homme.
En me vengeant, vous monte et vous assomme ?
De la leçon, heureux qui fera son profit,
Ne faisant pas le mal qu'il craindrait qu'on lui fît !

Livre I, Fable 8




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