Quelques doctes personnages discourant sur la bêtise et la stupidité d’un grand nombre de gens, Antonio Lusco, homme pétri d’esprit, raconta qu’un jour, allant de Rome à Vicence, il avait pris pour compagnon de route un Vénitien qui lui parut n’être monté que très rarement à cheval. A Sienne, ils descendirent dans une hôtellerie où se trouvaient également beaucoup d’autres voyageurs avec leurs montures. Le matin, pendant que chacun se préparait au départ, notre Vénitien se tenait seul près de la porte, immobile et tout botté. Lusco. surpris du flegme et de la placidité de son compagnon, qui restait tranquille tandis que presque tous étaient déjà en selle, lui dit de montera cheval s’il voulait partir avec lui et s’informa de ce qu’il attendait : — « Certes je voudrais bien partir avec vous, dit le Vénitien, mais au milieu de ces chevaux, je ne distingue pas le mien. J’attends que chaque voyageur ait monté le sien et, comme cela, je reconnaîtrai jour mien celui qui sera resté à l’écurie. » Lusco, voyant la sottise de ce lourdaud, de cette bûche, retarda un peu son départ afin de lui donner le temps nécessaire de prendre comme sien l’unique cheval resté le dernier à l’écurie.
Titre original : Plaisanterie sur un Cavalier vénitien qui ne reconnaissait pas son cheval