Le Ver à soie et le Ver de Terre Jean-Jacques Boisard (1744 - 1833)

Il fend l'air, cet heureux reptile !
Il était mon égal ; le voilà volatile.
Je l'ai vu tisserand, ce nouvel oisillon,
Qui s'élève aujourd'hui d'une aile triomphante !...
Il déploie au Soleil sa robe étincelante :
Il fut un Ver obscur ce brillant Papillon !
Ainsi le Ver de terre, à la douleur en proie,
De son voisin le Ver à soie
Contemplait les destins nouveaux.
Est-ce à toi d'envier le prix de mes travaux,
Reprit l'insecte ailé ? Je me souviens sans cesse
Qu'à mériter mon sort j'ai passé ma jeunesse ;
Tandis que dans la fange enfoncé sans pudeur
Dans un honteux loisir tu mettais ton bonheur ;
Je sais qu'à réparer le tort de ma naissance
J'employais mes premiers moments ;
Par d'utiles sueurs j'épurais ma substance :
Je jouis dans l'été des peines du printemps.
Si je ne dois qu'à moi mes dignités nouvelles,
Crois-tu par là me ravaler !
Apprends qu'il est doux de voler,
Et qu'il est glorieux d'avoir formé ses ailes.

Livre I, fable 13




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