L'hiver, dans les greniers d'un curé de village,
Parmi le grain, les fruits, ample provision,
S'étaient réfugiés des Oiseaux de tout âge,
Toute couleur, tout ramage
Et toute condition.
Pour ceux même de haut parage,
Dans ce temps de disette et de destruction,
Grenier plein fut un lieu de bénédiction.
Avant, après le réfectoire,
En cercle réunis librement ils jasaient ;
D'affaires non, d'amour, de printemps ils causaient,
Et chacun disait une histoire.
Une Alouette vint qui fit un long discours
Sur ses voyages de long cours ;
Le lendemain autant ; depuis son arrivée,
En un mot, chaque aurore à peine était levée
Qu'elle prenait le dé, pour le tenir toujours.
C'étaient des régions et des peuples barbares
Qu'elle avait vus ; des mœurs, des usages bizarres,
Qu'elle avait observés : c'étaient des plantes rares
Qu'elle apportait ; des animaux
De forme, de plumage ou de poil tout nouveaux,
Qu'elle leur décrivait ; c'était une tempête
Qui sous ses yeux avait englouti des vaisseaux,
Et qu'elle avait en vain prédite aux matelots ;
C'était une brillante fête,
Qu'en un pays lointain le peuple des oiseaux
Lui donna l'an passé, pour faire sa conquête,
La retenir captive et lui tourner la tête :
Mais à tous leurs plaisirs, vers le natal séjour,
Comme Ulysse, elle avait préféré son retour.
C'étaient toutes choses très belles ;
Mais l'auditoire peu savant
Ne s'en souciait nullement.
Au beau milieu de ces nouvelles,
Les becs se cachaient sous les ailes ;
Et l'on dormait profondément.
Quelque temps on souffrit, sans lui faire avanie,
Cette assommante tyrannie ;
Mais à la fin on murmura :
Des moineaux pétulants l'humeur se déclara.
Oh ! la sotte ! Oh ! la radoteuse !
Entendrons-nous cette conteuse
Tout le reste de la saison ?
Non, non. Tous les Oiseaux répétèrent : Non, non :
Ce fut une insurrection.
Elle parlait toujours. - Non, non ;
Dehors, dehors ! Enfin, la bavarde chassée -
Alla finir ailleurs son Odyssée.
On respira ; mais la corrigea-t-on ?
J'en doute fort : du reste, la leçon
Est bonne quoique un peu sévère.
Dans le monde voulez-vous plaire ?
Ne parlez à chacun que de sa propre affaire,
De ses besoins, de ses projets ;
Des autres rarement, de vous-même jamais.