Un Rossignol bien vieux et dont la voix cassée,
La plume rare, hérissée,
Lui disaient assez chaque jour :
Ta saison d'aimer est passée,
Voyant le printemps de retour,
Chantait, toute la nuit, une chanson d'amour.
Unjeune oiseau lui dit : Oh ! la bonne folie !
Ce chant n'est plus pour toi ; chante-nous, je te prie,
La verdure, les fleurs : Nature a tant d'objets
Qui peuvent te fournir d'agréables sujets !
Mais l'amour ! à ton âge ! avec si peu d'haleine !
Sur tes pieds te tenant à peine !
En vérité, mon cher doyen,
On va rire de toi : tu le mérites bien.
On rira, si l'on veut, dit le vieux Solitaire :
Moi, je chante et je pleure ; et je veux ou me taire,
Ou par ces tendres chants soulager ma douleur.
Ici, tout m'entretient dans ma douce tristesse :
Dans ce bois, ma première, et ma seule maîtresse
Répondit au vœu de mon cœur.
Sans doute, d'autres soins ont occupé ma vie ;
Mais au printemps, je viens toujours
Offrir ce chant plaintif à mon unique amie.
Tout change, tout vieillit, tout périt, tout s'oublie ;
Mais qui peut oublier les premières amours ?