Un Âne était le coursier
D’une jeune châtelaine,
Et sans murmure, sans peine,
Il faisait son doux métier.

Il avait fort peu d’ouvrage;
Une heure ou deux, c’était tout.
Mimi bien souvent, par goût,
Eût travaillé davantage.

Bien nourri, choyé, fêté,
Il vivait dans les délices;
On lui passait maints caprices;
C’était un enfant gâté.

Mais sa maîtresse volage
Bientôt de lui se lassa,
Et du manoir il passa
Chez le meunier du village.

0 revers inespéré!
Mimi porta la farine.
Quel fardeau pour son échine !
L’autre était mieux à son gré.

Sans cesse il gémit, il pleure ;
Du sort maudit le courroux,
Et sous la charge ou les coups
Attend la mort à toute heure.

Camarade, imite-moi,
Lui dit un sage confrère.
Egale est notre misère,
Et je la sens comme toi ;

Mais du soir la douce attente
Me sourit dès le matin;
Je m’abandonne au destin;
J’espère, je patiente.

Ah! dit l’autre, à ton meunier
Du travail tu dois l’usage;
Mais quel rude apprentissage
Pour moi, tardif écolier!

Vainement je m’évertue ;
Mon premier sort fut trop beau ;
Au moulin ce qui me tue,
C’est de penser au château.

Livre II, fable 12




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