Le Miroir et le Tableau Jean-Jacques Porchat (1800 - 1864)

Un miroir, voisin d’un tableau, Lui dit :
Je vous trouve assez beau,
Mais vous êtes toujours le même.
Moi, j’offre chaque instant un spectacle nouveau,
Et c’est la nouveauté qu’on aime.
Tour à tour, passant devant moi,
Un page, une princesse, un roi,
Peuvent contempler leur image.
Tous mes portraits sont ressemblants.
Mon cristal, pour former un si parfait ouvrage,
N’a pas besoin de deux instants;
Et, quand, plus triste qu’un ermite,
Vous mendiez en vain quelque regard distrait,
Chacun, rendant hommage à mon rare mérite,
M’aborde en souriant, et me fuit à regret.
On me recherche; on vous évite.
Le tableau repartit : A mon tour, s’il vous plaît.
Chez vous une image nouvelle
Parait sans doute à chaque instant,
Mais ce n’est quelquefois qu’un objet révoltant.
Si la peinture en est fidèle,
Qu’êtes-vous, je vous prie?
Un copiste excellent,
Rien de plus, jamais un modèle.
Un instant vous suffit, mais d’un travail plus lent
Il reste une œuvre plus durable.
On me fuit, dites-vous? On vous recherche?… Soit!
Vous pensez donc être admirable!
Mais, lorsqu’on vous regarde, est-ce vous que l’on voit?…
Non, non, en détaillant vos mérites suprêmes,
Il en est un, mon cher, dont vous n’avez rien dit :
Vous occupez les gens d’eux-mêmes;
C’est par là que longtemps vous serez en crédit.

Livre II, fable 11




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