Certain dogue aux champs habitait,
Et d’un riche fermier défendait le royaume.
Tout le hameau le redoutait;
Personne sans trembler ne passait chez Guillaume.
Les chiens d’alentour bien souvent
Avaient éprouvé son courage,
Quand ils allaient, le nez au vent,
De trop près flairer son potage.
Comptez qu’il n’eût pas fait pont d’or
Aux loups qui convoitaient l’étable ;
Un Mandrin, un Cartouche, un diable,
N’eût pas volé ce que gardait Médor.
Son maître un jour le mène à la cité voisine.
Le chien, qui la voyait pour la première fois,
Regarde, observe tout, s’arrête en maints endroits ;
Met le nez dans mainte cuisine,
Sans façon, comme un villageois.
A ses confrères de la ville
Son procédé parut mauvais :
Leur espèce est fort peu civile.
Deux superbes danois, habitants d’un palais,
Sautent sur ce manant, poussés par des laquais.
Pour la première fois il céda, la victoire,
Et courut se réfugier
Entre les jambes du fermier.
Que fais-tu? lui dit-il. Souviens-toi de ta gloire.
Où donc est ta valeur? Est-ce qu’à la maison
Ce matin tu l’aurais laissée ?
Pourquoi cet air craintif, cette oreille baissée,
Quand tu peux en deux coups les mettre à la raison ?
— Non, si loin du logis je ne peux rien, mon maître.
Mais dans nos prés ou dans nos bois
Que je les voie un jour paraître !
Ils n’y reviendront pas deux fois.

Un chien sur sa paille en vaut trois.

Livre II, fable 5




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