Sur un fromage de Hollande,
Des Mites respiraient, trottaient, s'émancipaient.
Autour d'une table assez grande
A Pomone, à Bacchus des gens sacrifiaient.
Non sans bruit : de Bacchus le culte ainsi l'ordonne.
Mites de disputer. L'une disait : Il tonne.
Non, disait l'autre ; c'est le vent.
Le fromage entamé, la gent Mite s'étonne
Que le globe ait changé de face en un instant.
Maint rocher écrase en tombant
Maint Philosophe qui raisonne
Sur ce fatal événement,
Ou maint esprit fort qui prétend
Que ce bruit ne tuera personne.
Un jour se passe. Un jour c'était comme cent ans.
Dames Mites disaient à leurs petits enfants :
Il fut un tems que la terre était ronde.
Mais, je ne sais par quel destin,
De forme un jour elle changea soudain.
Plus d'un peuple y périt. Hors des bornes du monde,
Un être tout puissant dispose de nos jours.
Les enfants prenaient ce discours
Pour un conte de vieille, enfanté par la crainte.
Le fromage reçoit une seconde atteinte ;
Autre brèche fatale à nombre d'habitans.
Ceux-ci morts, la race suivante
Traitant de radoteurs ses pères, ses savants,
De ces tristes événements
Trouva l'histoire extravagante.
Il se pouvait que le hasard,
Que le tems eût du globe altéré la figure ;
Mais vouloir qu'à cette aventure
Je ne sais quel pouvair eût eu la moindre part
C'était sottise toute pure.
Du fromage il restait à peine un demi-quart,
L'insecte né le soir n'en croit pas davantage
A ce pouvair suprême, à cet être inconnu
Par ses aïeux tant rebattu.
Sur le dernier morceau, pour terminer l'histoire
Le dernier mourut sans y croire.

Incrédules mortels, ceci s'adresse à vous :
Race ingrate, parlez ; fera-ce quand la foudre
Aura réduit ce globe en poudre,
Que d'un être vengeur vous craindrez le courroux ?

Livre II, fable 5




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