Un cochon, bien repu, lentement digérait ;
Couché dans un bourbier, et tout couvert de fange,
Doucement il se reposait
Au sein des voluptés, qu'il croyait sans mélange,
Lorsqu'il vit tout-à-coup un coursier vigoureux,
Hennissant fièrement, du pied frappant la terre,
Accourir à la voix d'un maître courageux,
Pour braver avec lui les hasards de la guerre ;
Méprisant un si noble essor,
Mons verrat se moqua de ce désir de gloire,
Qui, pour le fol espoir de vivre dans l'histoire,
Fait braver mille fois la mort...
Cependant le coursier, au-dessus des alarmes,
Cherche les dangereux ébats
Du dieu qui préside aux combats,
Et s'élance au milieu des armes.
Déjà même de près il a vu le trépas ;
Déjà plus d'une fois son sang a teint l'arène ;
Mais n'écoutant que l'ardeur qui l'entraîne,
Rien n'a pu ralentir ses pas.
Enfin de Mars enchaînant le tonnerre,
La paix, la douce paix, sur son char radieux,
Des mortels pour jamais favorisant les vœux,
Vint mettre un terme à leur misère.
Le maître et le coursier retournent au logis,
Contens d'avoir servi l'honneur et la patrie ;
Et celui qui vivait sans soins et sans soucis,
Croyant par nul danger n'être jamais surpris,
Dom pourceau n'était plus en vie.
Voulant fêter son maître dignement,
Et ne pas mériter le plus petit reproche,
Le fermier venait à l'instant
De le faire mettre à la broche.
Rien ne peut de la mort intervertir le cours
Elle ne connaît point d'entrave ;
Aussi, souvent du lâche elle finit les jours,
Tandis qu'elle épargne le brave.