Le Loup et le Porc-Épic Jean-Louis-Marie Guillemeau (1766 - 1852)

Un loup, à jeun, rencontre un porc-épic ;
Mais le voyant couvert de pointes menaçantes,
Le brigand crut prudent de prendre du répic,
Ne jugeant point encor ses forces suffisantes.
Il usa donc du moyen que voici :
« Aurais-tu, lui dit-il, quelque chose à débattre ?
On le croirait vraiment en te voyant ainsi,
Armé comme un soldat qui ne veut que combattre.
« Pourtant on vit toujours les plus braves guerriers
Volontiers mettre bas les armes,
En chassant de leur cœur les soucis, les alarmes.
D'ailleurs, que peux-tu craindre en cet heureux moment ?
Le dieu Mars ne fait plus entendre son tonnerre,
Et l'aimable paix, sur la terre,
Répand, dans tous les lieux, un doux ravissement.
Quitte, tu feras bien, cette incommode armure ;
Elle doit accabler tes membres délicats ;
Et, de plus, elle ne plaît pas
A ceux qui, comme moi, n'aiment pas la piqûre.
Le porc-épic reprit : « Elle me plaît à moi ;
Parce qu'il est de la prudence
D'être toujours en défiance
Contre des méchants tels que toi. »

Tant qu'on peut craindre la colère
D'un ennemi puissant et dangereux,
La méfiance est salutaire :
L'homme bien averti, comme on dit, en vaut deux.

Livre VI, fable 20




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