Le Curé et ses Paroissiens Joseph Barthélemy de Feraudy (1762 - 1831)

Les gens d'esprit comme les sots,
Les libertins et les dévots,
Tous veulent parler politique,
Lire, interpréter les journaux ;
Et ce qui paraît très-comique,
C'est que des cercles féminins
Oubliant de parler toilette,
Règlent de l'Etat les destins.
Ces pauvres têtes à cornette
Feraient sans doute beaucoup mieux
De laisser là ce commérage :
Pourquoi perdre un temps précieux,
Toujours utile à leur ménage ?.
De certains hommes, en passant,
On pourrait bien en dire autant ;
Mais prenons garde d'en trop dire :
Ne faisons pas une satire.
On trouve, dans chaque canton,
Un demi docteur, un brouillon
Qui sur tout point jase à merveille,
A qui chacun prête l'oreille.
Un de ces lourds originaux
Disait : Ah ! que nous sommes sots,
Mes chers amis, de ne point faire
Ce qu'on fait dans bien des endroits ;
On nous croira des Iroquois.
Un bon cabinet littéraire
Serait ici fort nécessaire ;
Car parmi nous assurément
Il ferait briller la lumière,
Et nous pourrions très- sciemment
Parler lois et gouvernement.
Le curé dit alors : « Mes frères,
Occupons-nous de nos affaires :
Ne troublons point notre repos.
Le cabinet qu'on vous propose,
Chez nous sans doute serait cause
De bien des rixes et des maux.
Malherbe a dit : Fou qui se pique
De se mêler de politique ;
Car pourquoi vouloir diriger
Comme des étourdis, la barque
Où vous n'êtes que passager ? »
Ce discours, digne de remarque,
Frappa les jeunes et les vieux.
Pour notre repos, dit un sage,
Puisse du curé le langage
Être bien compris en tous lieux !

Livre II, fable 7




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