L'Écureuil accusé devant les animaux Théodore Lorin (19è siècle)

Un écureuil, dans un jardin,
Avait croqué mainte et mainte noisette :
Devant les animaux, pour ce grave larcin,
Il fut cité par la belette.
« Mes chers amis, dit-elle, ce voleur
Nous couvre, tous tant que nous sommes,
Et d'opprobre et de déshonneur.
De quel œil voulez-vous désormais que les hommes
Puissent nous regarder ? » La pie avec aigreur
Tint le même langage ; enfin le pauvre hère
Allait être proscrit. Un singe survenant
Entreprit d'arranger l'affaire.
« Messieurs, s'écria-t-il, pourquoi cette colère ?
Eh ! qui de nous n'en a pas fait autant ?
Est-ce vous, par hasard, belette, ma commère,
Qui, chaque nuit, ravagez les greniers,
Les basses-cours, les colombiers ?
Quant à vous, madame la pie,
Chacun sait quelle est votre vie.
Pour moi, je suis bien loin de me croire innocent.
Je dois le confesser : enclin au brigandage,
On ne m'a vu que trop souvent
Dans plus d'un potager mettre tout au pillage.
Qu'ainsi que moi, chacun de vous,
Avant de porter la sentence,
Avec sévérité sonde sa conscience. »
Par ce sage discours, il fit tourner la chance.
Les animaux sentant qu'ils avaient tous
Un égal besoin d'indulgence,
D'une commune voix l'écureuil fut absous.

Livre VIII, Fable 1




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