Sur une terrasse pompeuse,
Un laurier de la serre, au mois de mai, sorti,
Dans le terreau soigneusement nourri,
Étalait fièrement sa tige fastueuse.
Et la dame au bon ton, arrivant de la ville,
Et l'élégant qui lui donne le bras,
Et le sot jardinier accourant sur leurs pas,
De l'arbuste vantaient la parure inutile.
Vers le fond du jardin, sur le bord d'un fossé,
Au milieu des cailloux, dans un terrain aride,
Un framboisier, obscur et délaissé,
Loin des regards levait son front timide,
Avec la ronce confondu.
« Va, tu n'as que ce qui t'est dû,
Lui dit un promeneur frivole ;
«Je ne donnerais pas de toi, même une obole.
Par le parfum cependant attiré,
Un jeune enfant vers la toufse s'avance,
Visite l'arbuste ignoré ;
Moins occupé de l'apparence,
La réalité seule a du prix à ses yeux.
« Quel est ce fruit caché dans le sein du feuillage ? »
L'enfant le goûte, il est délicieux,
Et l'arbuste bientôt reçoit plus d'un hommage.
Les modestes vertus et le mérite obscur
Sont la source, ici-bas, du bonheur le plus pur.
Si trop souvent ils sont méconnus du vulgaire,
A l'éclat des grandeurs le sage les préfère.