L'Hiver régnait : la terre toute nue
Ne portait plus ni fleur, ni fruit.
Il avait plu le jour, pendant la sombre nuit
La gelée était survenue,
Et, le matin, gisait dans les champs un glaçon,
Quand le soleil parut sur l'horizon.
Il venait dans son deuil consoler la nature,
Il s'élevait triomphant : devant lui
Le ténébreux brouillard déjà s'était enfui,
La région du ciel était sereine et pure.
L'humble glaçon sur le sol étendu
S'étalait avec complaisance
Sous le rayon brillant du soleil descendu,
Et grâce à sa transparence
Recueillait dans son sein le reflet lumineux.
Dans son transport, plein d'orgueil il s'écrie
« Comme je brille, et quelle vie
Dois-je répandre à l'entour par mes feux !
La terre qui me porte en doit être ravie.
Un seul instant a sufsi pour créer
De lumière, en mon sein, cet éclatant foyer.
Du soleil ici-bas je reproduis l'image ;
Des riches couleurs de l'iris
Je réunis à mon gré l'assemblage :
Le rubis, l'émeraude, ont, certes, moins de prix. »
Mais pendant qu'il tenait ce superbe langage,
Le glaçon réchauffé lentement se fondait ;
L'eau qui l'avait formé dans le sol s'imbibait,
Et lorsqu'il se flattait que tout le voisinage
De son éclat resterait ébloui,
Lui-même, hélas ! s'était évanoui.
De la nouvelle iris on ne voit plus de trace,
Le beau rubis est enfoui ;
Que reste-t-il donc à leur place ?
Tant de brillants trésors, que sont-ils devenus ?
Un peu de boue, et rien de plus.
En même temps à la surface
Du même sol où le glaçon brillait,
Un tout petit germe apparaît ;
Le soleil prête à la tige naissante
Une salutaire chaleur ;
Son influence bienfaisante
Chaque jour à la jeune plante
Apportera la vie et la couleur.
Le plus beau don du ciel sans doute est la science ;
Toutefois notre esprit peut, dans son imprudence,
Trouver sa perte en elle, au lieu d'un aliment,
S'il n'est point préparé d'avance
A recevoir ce bienfait éminent ;
Si, négligeant les soins de la sagesse
Dont dépend sa fécondité,
Il y va seulement, dans une folle ivresse,
Satisfaire sa vanité.
Ne te hâte point de connaître,
Si tu n'es digne de juger.
Cherches à bien t'instruire, et non pas à paraître.
Pour l'orgueil le savoir lui-même est un danger.