Le Lion, l'Aigle et le Coq L-S du Ruisseau (16?? - 17?)

Le Lion, dans ses jeunes ans,
Ayant par maints Combats sanglants,
A ses Voisins rendu son pouvoir redoutable ;
De la perte du sang versé dans les Combats
Affaibli, langoureux, n'allait que pas à pas,
En un mot devenait un objet méprisable
Aux moindres Animaux qui vivent ici-bas.
Un Coq ambitieux par ruse et par adresse
Fit qu'en ses rets un jour le Lion se vit pris,
Qui dans ce triste état ne peut que par des cris,
A ses Confédérés dépeindre sa détresse.
Mais pour surcroît d'affliction
Le Coq avait déjà par sa langue traîtresse,
De l'Aigle Impérial, allié du Lion,
Incité les Vassaux à la Rébellion.
Et par cette Guerre intestine,
Loin de pouvoir aider au Lion insulté ,
L'Aigle se vit lui-même en la nécessité
De renoncer à sa cuisine,
Ou de tirer raison du Peuple révolté.
Mais l'honneur de la Gent Léoparde et Lionne,
Se trouvait trop intéressé
Pour voir dans les fers enferré
D'un vil et chétif Coq, le Lion en personne
Sans lui donner secours en cette extrémité.
Nous voulons dessous vos auspices,
Dirent-ils à l'Aigle éperdu,
Rendre l'orgueilleux Coq honteux et confondu,
Malgré tous ses efforts, malgré ses artifices.
Ainsi dit, ainsi fait : on déniche le Coq
D'un de ses Forts du premier choq ;
Et du chemin on s'ouvre le passage
De cette honteuse prison,
Où le Coq tenait le Lion,
Ainsi qu'un Perroquet en cage.
Le Lion délivré de ce triste esclavage,
On n'en demeure pas dans un si beau chemin ;
Mais tandis qu'on était en train
On vous poursuit le Coq de Village en Village,
De par tout on le déménage ;
Trop heureux de pouvoir dans fon vieux poulailler
Encore le réfugier,
A demi dépouillé de son riche plumage.

Soit pour la Gloire, ou pour le Gain,
A votre avidité mortels donnez un frein,
N'entreprenez jamais une trop grande affaire ;
Car souvent on se voit contraint
D'apprendre à ses dépens ce Proverbe vulgaire,
Qui trop embrasse mal étreint.

Ah oui... la morale chrétienne. Soyez conscient de ce que vous valez : pas grand chose. Ne visez pas trop haut...