Javotte, à défaut de ratières,
Pour sauver de la dent des rats
Ses graines potagères
Et ses fromages gras,
Dans une caisse avait tendu des lacs.
Un cousin d'Artapax, plein de fanfaronnade,
Qui des vieux rats commandait la brigade,
Ayant entrevu le lard
Qu'avait dans le traquenard
Placé la main de Javotte ;
Vers sa troupe trotte, trotte :
Camarades, leur dit- il,
Ai-je en cette fois le fil ?
Ah ! gloutons, quelle trouvaille,
C'est du lard, venez presto,
Nous allons faire ripaille
Il pèse au moins un kilo.

Quand auprès de la machine
Est arrivé l'escadron,
Chacun reluque, examine.
Un sergent de bonne mine,
Et qui n'était pas poltron,
Dit avec un gros juron :
A nous retirer j'opine,
Car la caisse de sapin
Renferme, je le parie,
Quelque diabolique engin.
Le commandant se récrie :
-Gros rats, je m'y connais bien ;
Aux machines meurtrières,
Aux traquenards, aux ratières
Ceci ne ressemble en rien ;
Avançons... La vieille bande,
Que vainement il gourmande,
Refuse de faire un pas.
Sur ce refus des soldats

Le jeune étourdi s'élance ;
Il est pris au trébuchet.
Les rats alors au pauvret :
-
Voilà donc la prévoyance
Que devait avoir un chef !
Quelle honte ! quel méchef !
Fruit de ton imprévoyance.
- J'ai commis une imprudence :
En ma jeune expérience
Je me suis trop confié ;
Mais vous êtes sans pitié.
Je sens que ma mort approche,
Vieux rats, le moindre reproche
Qu'on adresse au malheureux
Est un reproche odieux.

Fable 20




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