Un laurier-rose,
Se croyant quelque chose,
Étalait au soleil ses rameaux et ses fleurs ;
Auprès, une pensée,
La tête baissée,
Semblait ne pas savoir l’éclat de ses couleurs.
— Que je te plains, que je plains tes pareilles,
Petite fleur des bois ! —
Dit le laurier couvert de mille fleurs vermeilles —
On t’a foulée aux pieds cent fois
En venant cueillir mes guirlandes.
Ma tige est forte, à moi, mes fleurs sont toutes grandes
Elles brillent de loin.
Puis, pour demeurer sans reproche,
J’ai la vertu dont j’ai besoin.
Approche ;
— Mets-toi près de ma tige et peut-être on croira
Que tu me dois la vie,
Et quelque main ravie
Alors te cueillera.
Merci, dit l’humble fleur, je suis bien disposée
À rester où je suis :
Où Dieu nous a fait naître on n’a jamais d’ennuis.
Le rayon du soleil et la fraîche rosée
Avaient entendu les discours
De la plante tous les jours
Réchauffée avec soin, avec soin arrosée ;
Ils la punirent aussitôt
En ne descendant plus sur elle.
Le laurier se flétrit bientôt ;
L’humble fleur à ses pieds demeura longtemps belle.
Vous qui vous croyez grands dans votre sot orgueil,
N’humiliez jamais par une pitié vaine
Les humbles qui sont là vivant à votre seuil,
Car leur vie est souvent plus longue et plus sereine
Que la vôtre à vous tous. Puis, veuillez le noter,
Celui qui donne tout peut aussi tout ôter.