Au bord d’une fontaine
Un roseau, droit et fier,
D’une façon hautaine
Parlait de sa tige de fer.
Or, la brise passa, la brise des prairies
Qui porte à chacun
Le chaste parfum
Des aubépines fleuries.
Elle lui dit :

 — Fier roseau, courbe-toi
 Devant moi ;
 Je suis des airs la souveraine,
 Je suis ta reine.

— Je ne m’incline point, répliqua le roseau,
 J’ai pour cela trop de noblesse :
 Si mon refus te blesse
Va raconter ta peine à ton ami l’oiseau.

La brise méprisa ce discours malhonnête,
 Et puis continua son vol
En forçant l’orgueilleux à courber jusqu’au sol
 Sa noble tête.

 — C’est un caprice puéril,
 Se dit-il,
Auquel, à l’avenir, je saurai me soustraire.

Une alouette, alors, comme pour se distraire,
 Vint se jucher sur lui
Et le fit de nouveau plier jusques à terre.
 Il en eut de l’ennui
 Mais il voulut se taire,
Tout en se promettant de ne se courber plus.

 Espoirs superflus !
 Le flot montant de la rivière
 Le courba de toute manière ;
 Le vent glacé du nord
 Et du midi la chaude haleine
Parurent se mettre d’accord
Avec les autres vents qui passent sur la plaine
 Pour l’humilier aussi
 Sans merci.

Celui qui ne veut reconnaître
 Son vrai maître
Finit par se mettre aux genoux
 De tous.

Livre I, fable 5




Commentaires