Aux beaux jours de sa république,
Athènes jouissant d'un calme passager,
Périclès voulut ériger
En l'honneur de Minerve un temple magnifique.
Deux architectes seuls s'étaient mis sur les rangs,
Et le peuple, assemblé sur la place publique,
Avait à désigner l'un des deux concurrents.
Des secrets de son art faisant montre et parade,
L'un, dans Un beau discours avec feu débité,
Dû futur monument décrit la majesté,
Et sur la Haute colonnade
Place un large fronton d'une austère beauté,
Puis, pour conclusion , aux regards de la foule,
Du haut de la tribune, avec pompe il déroule
Un immense dessin du temple projeté.
Sans discours et sans plan, l'autre artiste, au contraire,
S'avance, et d'un air assuré
Dit seulement ces mots, en montrant son confrère :
« Ce qu'il a dit, je le ferai. »
D'Athènes le peuple éclairé
Du premier architecte admira l'éloquence,
Mais le second fut préféré.

Je doute qu'à Paris il eût eu même chance :
Les beaux discours font tout en France ;
Chez nous la rhétorique est le plus sûr moyen
De parvenir : en toute affaire,
Ce n'est pas celui qui fait bien,
C'est celui qui dit bien que toujours on préfère.

Livre II, Fable 15, 1856




Commentaires