La Grenouille et le Lion Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

Dame grenouille, assise au bord du marécage,
De sa voix coassante attristait les échos.
Il était nuit ; ses cris ont troublé le repos
D'un lionceau du voisinage.
N’ayant jamais ouï cette lugubre voix,
Il s’éveille en sursaut, il se met en défense,
Et prudemment il sort du bois,
Cherchant à découvrir l’ennemi qui s’avance.
Inquiet, il regarde et voit, à la faveur
Des rayons brillants de la lune,
Le chétif animal dont la plainte importune
Dans son âme royale a porté la frayeur.
« Quoi, c'est toi, vil rebut de l’onde et de la terre,
Dit-il, dont les vains cris ont causé mon émoi !
Sous mon pied... mais non, la colère
Contre un impuissant adversaire
Ne serait pas digne de moi.
Le jour ou surviendront les dangers véritables
Par tes sottes clameurs instruit,
Je saurai que les gens qui font le plus de bruit,
Ne sont pas les plus redoutables. »

Livre II, Fable 5, 1856




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