Le Lion et le Hérisson Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

« Ami loir, reçois ma visite,
Il est tard, je viens sans façon
Partager ton souper, ton gîte. »
Ainsi parlait un hérisson.

« Combien ta visite m'est chère !
Lui répond le loir ingénu ;
Tu feras ici maigre chère,
N'en sois pas moins le bienvenu. »

Sur le repas l'intrus se jette
(Voyage aiguise l'appétit).
Puis, quand il a fait table nette,
« Çà, dit-il, prête-moi ton lit. »

Et> sans attendre la réponse,
Sans dire à son hôte bonsoir,
Dans le lit de mousse il s'enfonce.
Un coin nu reste seul au loir.

Mais la cellule est tout étroite,
Et le hérisson qui dort peu,
Eu se tournant à gauche, à droite,
A son ami fait, voir beau jeu.

« Ah ! je perds enfin patience,
Dit le pauvre loir tout en sang ;
Délivre-moi de ta présence,
Sors, hôte incommode, et blessant.

— Moi, dit-il, quitter cet asile !
Non, je m'y plais ; puis, l'hiver vient ;
Mais toi, qui fais le difficile,
Va-t'en, si cela te convient.

— Oui, je pars, dit le loir tout triste;
Il le faut bien ; car, je le voi,
Quand on héberge un égoïste,
On n'est plus le maître chez soi. »

Livre III, Fable 5, 1856




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