Le Merle blanc Marc-Louis de Tardy (1769 - 1857)

Un merle blanc est un objet si rare,
Qu’on dirait le phénix dont le ciel est avare.
Aussi, dés qu’un hâbleur hardi
Annonce une chose impossible,
On lui porte le défi ;
Et pour l’y rendre plus sensible,
On lui promet très hardiment
De lui donner un merle blanc.
Mais il en est ailleurs que dans l'histoire,
Et j‘en ai vu, l'on peut m’en croire.
Certain quidam disait qu'un sien cheval
Avait la queue où tout autre à la tété.
Quelqu’un promit, si telle était sa bête,
Un merle blanc en propre original.
Notre homme alors tout droit a l’écurie
Méne la compagnie,
Et montre son roussin, qui, pour avoir bronché,
Était au râtelier par la queue attaché.
A divertir toute foule est aisée.
Contre le parieur ce fut une risée.
« Hé bien! le merle?—Oui, dit-il, dés ce soir,
Mon teinturier va teindre un merle noir ;
Et s'il le rend aussi blanc que j’espère,
Mon oiseau vaudra bien Je cheval du compère. »
La réponse accrut la gaité,
Et les rieurs furent de son côté.

Lorsqu’un bouffon vous cherche et vous provoque,
Par un lazzi payez son équivoque.

Fables, 1847, Fable 12




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