Le Merle et le Ver-luisant Claude-Joseph Dorat (1734 - 1780)

Pendant une nuit assez sombre,
Tout fier de son étoile, un jeune ver luisant
Se pavanait dans l'épaisseur de l'ombre,
Et s'enivrait d'orgueil, en se considérant.
Sur ce globe, où chacun m'admire avec justice,
Je ne vois rien, dit-il, de comparable à moi ;
Des Insectes je suis le Roi :
Eh ! qui d'entre eux pourrait entrer en lice,
Quand mon empire est si bien affermi ?
Est-ce l'active Abeille, ou la sobre Fourmi ?
Ces orbes éclatants qui versent la lumière
Pour briller, empruntent mes feux ;
Et l'Astre qu'adore la Terre,
N'est que le ver-luisant des Cieux.
Comme il parloir, d'une branche voisine,
Un Merle fond soudain et gobe l'Orgueilleux.
Ton éclat cause ta ruine,
Pauvre insecte !... moins lumineux,
Tu pourrais vivre, enseveli sous l'herbe :
Que je te plains de naître si superbe !
L'obscurité te rendrait plus heureux.

Livre II, fable 3




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